Le guide du meuble ancien
Les meubles anciens, une valeur refuge
Les sièges de Louis XIII à Louis XV
- Rarement meuble fut plus influencé par la vie sociale que le siège.
- De l'Antiquité à la période contemporaine, il a subi des transformations et des diversifications innombrables dont beaucoup n'ont rien à voir avec son usage évident.
Siège et rang social
- Le fauteuil à bras, la chaise, le tabouret... ont été pendant plusieurs siècles d'importants objets de politique et d'illustres sujets de querelles, écrira Voltaire.
- Les hommes de l'Antiquité s'accroupissent ou s'asseoient par terre, utilisent des nattes ou des coussins, les sièges sont rares.
- En Egypte, pourtant, vers la IVe Dynastie, il en existe déjà de plusieurs sortes.
- Pour les hauts personnages, c'est une sorte de trône à dossier droit, avec des accoudoirs si hauts qu'ils arrivent au niveau des aisselles.
- Tabourets et bancs, réservés aux gens modestes, sont également en usage.
- Chez les Grecs et les Romains, le siège se modifie assez peu, la forme en X permet de le plier et de le déplacer.
- Le dossier s'arrête, souvent, à mi-dos, d'autres sièges, plus lourds, en pierre ou en bronze, ont des dossiers hauts et droits.
- A Rome, déjà, la forme du siège annonce l'importance du personnage.
- Ne s'assied pas qui veut sur le solium, sorte de grand fauteuil, non plus que sur la cathedra, chaise à haut dossier.
- Les sièges sont donc déjà révélateurs de l'organisation de la société.
- Pour se reposer, les romains préfèrent... leur lit!
- A Byzance, le siège s'allège tout en restant tributaire de la tradition antique, chaises et tabourets en X tendus de cuir cohabitent avec des fauteuils plus massifs, en bois, dont le dos et les côtés reposent sur des colonnettes.
Le fauldesteuil de Dagobert
- Le plus ancien siège français parvenu jusqu'à nous peut être admiré au Cabinet des Médailles à la Bibliothèque Nationale.
- Ce fauldesteuil, dit de Dagobert, est en laiton, il est pliant, en forme de chaise curule et rappelle les sièges de l'antiquité.
- Au haut Moyen Age, le fauldesteuil, en fer, en bronze ou en bois est d'un usage courant.
- La hièrarchie sociale est très stricte tout au long du Moyen Age.
- Le seigneur utilise la chayère, meuble protocolaire à haut dossier, souvent surmontée d'un dais aux armes.
- Sa construction est architecturale avec des montants et des accotoirs sculptés.
Le banc
- Le banc, siège le plus répandu, est placé devant l'âtre ou à proximité.
- L'apparition du dossier tournois le rend réversible, ce qui permet de prendre ses repas dos au feu et de s'asseoir face au foyer pour mieux se chauffer.
- Les bancs sont de plusieurs espèces, la bancelle, étroite et longue, ne possède pas d'accotoirs, l'archebanc est un banc-coffre et le châlit, sorte de cadre recouvert d'une paillasse sert de couche aux gens du peuple et aux domestiques.
- Outre les chayères et les bancs, il existe, à la même époque, d'autres sièges comme l'escabelle, formée d'un plateau rond ou triangulaire et de trois ou quatre pieds verticaux, utilisée pour les repas.
- La selle, fort instable, montée sur trois pieds obliques est le siège le plus en usage.
- On note, dès le XIVe siècle, des sièges àcoiffer ou à atours avec dossier bas, enfin, le siège en X continue sa carrière sous le nom de chaise ployante.
- Les sièges sont alignés contre un mur tendu d'une draperie appelée dorsal, dont l'usage est essentiellement décoratiff.
La chaire
- Au XVe siècle, la chayère disparaît au profit de la chaire, siège du maître, quel que soit, du reste, le domaine où s'exerce son autorité, le suzerain rend la justice ou donne audience du haut de sa chaire, mais c'est du même siège que le cuisinier surveille ses marmitons, tout comme autrefois la matrone romaine ses esclaves du haut de sa cathedra.
- La chaire, de structure lourde, est stabilisée par un coffre recouvert de coussins.
- Si la chaire est destinée à un haut personnage, elle est ouvragée, sculptée et monumentale.
- Ce n'est que très progressivement que le siège se modifie sous l'influence de la Renaissance italienne.
- Au début du XVIe siècle, le décor change mais la structure demeure identique, puis, peu à peu, le coffre disparaît, les côtés s'évident, des colonnes encadrent les panneaux, le siège s'allège.
- C'est alors qu'apparaît la première esquisse du fauteuil, la chaire à bras.
- Sous le règne de Henri II et sous l'influence de Philibert Delorme, le siège s'enrobe de tissu, en particulier de velours.
- La chaire à bras devient chaise à bras puis chaise, le terme semble désigner le même meuble, qu'il possède ou non des bras.
- On crée aussi des modèles de sièges réservés aux femmes, la chaise à femme et la caquetoire permettent aux jupes amples et aux vertugadins (sortes de bourrelets faisant bouffer les robes) de se déployer.
- Le banc existe toujours, à ses côtés apparaît le placet, cousin du tabouret.
- Soutenu par quatre pieds, il est recouvert de tapisserie et concurrence le carreau, coussin qui permet de s'asseoir par terre et dont l'usage se maintiendra jusqu'au XVIIe siècle.
- Se répandent en outre de nombreux sièges pliants faciles à transporter, fauldesteuil brisé, chaise à tenailles, ployant...
- La fin du XVIe siècle conserve les formes de la Renaissance, plans droits, dossiers et éléments verticaux.
- Le fond du siège est un panneau plein où l'on pose un coussin mobile appelé également carreau.
L'apparition du rembourrage
- Une innovation d'importance caractérise le siège du XVIIe siècle, le rembourrage fixe.
- Il est le plus souvent en crin, recouvert de tapisserie ou de soierie.
- Sous les règnes de Henri IV et de Louis XIII, deux sortes de fauteuils le mot fait son apparition vers 1636, sont en usage le premier, à dossier assez large, peu élevé, aux lignes verticales, utilisé pour travailler ou pour prendre les repas, l'autre à haut dossier est réservé au repos.
- Le fauteuil Louis XIII, d'inspiration hispano-flamande, se caractérise par des éléments tournés d'abord en chapelet puis en spirale, par un piètement en H, par une traverse haut placée qui joint les pieds antérieurs et par un rembourrage fixe.
- Le dossier s'incline légèrement vers l'arrière et les accotoirs s'incurvent.
- Autre innovation du XVIIe siècle, les sièges dits de roting, dont les fonds sont tressés de jonc importé d'Extrême-Orient par la Compagnie des Indes.
- En chêne ou en noyer, les tabourets et les escabelles n'ont pas disparu.
- Avec leurs éléments en bois tourné, ils sont devenus beaucoup plus raffinés.
A la cour et à la ville au siècle de Louis XIV
- A la cour de Louis XIV, la hiérarchie est stricte et l'étiquette s'applique aussi à l'usage des sièges.
- Le roi, seul, a droit au fauteuil ainsi que son petit-fils Philippe V, roi d'Espagne, mais le Grand Dauphin se contente d'une chaise à dos et les sièges des ducs et des princes n'ont point de dossier.
- Hors de la cour, le fauteuil poursuit son évolution, souvent en hêtre ou en noyer, il devient, au fil des ans, plus large et plus profond, moins haut aussi.
- Bientôt apparaît sur l'accotoir une manchette rembourrée.
- L'entrejambe est sculpté, les pieds souvent en balustres, les bois sont dorés ou peints de tons vifs.
- La courbe des accotoirs s'accentue et se termine en volute.
- Louis XIV, en guerre contre la Hollande qui commercialise le roting en interdit l'importation et les sièges cannés disparaissent.
- Ils reviendront en force sous la Régence.
- Sous le règne du Roi Soleil, apparaissent d'autres sièges exclus des pièces de réception, vers 1673, on trouve le siège de commodité, dit aussi en confessionnal, à cause des oreillettes fixées sur le dossier qui permettent de se dissimuler.
- Le fauteuil de malade, comme celui de Molière dans le Malade imaginaire que l'on peut admirer à la Comédie Française, en est très proche.
- Un peu plus tard, vers 1685, le canapé fait une timide entrée.
- A l'origine, le mot canapé désigne le tissu léger, conopée, qui défend le lit contre les moustiques, puis, le siège né d'un lit à deux chevets auquel on a ajouté un dossier.
- Deux modèles coexisteront longtemps, le sopha aux joues pleines et le canapé proprement dit flanqué de bras.
- Les sièges Louis XIV sont donc relativement peu variés.
- L'étiquette empêche la prolifération des modèles et le besoin de confort n'apparaît que dans les dernières années du règne.
- Toutefois, le changement de moeurs s'annonce lorsque naît la distinction entre les sièges meublants, placés le long du mur qui ne sont là que pour décor, et les sièges courants, rembourrés, et confortables.
La Régence, tout change
- Les huit courtes années de la Régence marquent un changement considérable et les sièges sont les premiers meubles à témoigner de cette évolution.
- L'austérité disparue, remplacée par le goût du confort et du plaisir, on passe définitivement des sièges meublants, lourds et encombrants que les valets apportent à la demande, aux sièges courants.
- Enfin, le siège ne sert plus à marquer le rang de celui qui l'occupe mais tout simplement à se reposer ou à faire la converstion.
- Il perd alors ses formes rectilignes, le grand dossier carré s'abaisse et s'incurve, les pieds se cambrent, l'entretoise s'affine, puis disparaît.
- Vers 1720, la mode féminine modifiera quelque peu la forme du fauteuil, il faudra laisser la place aux paniers et les bras du siège s'évasent, ce siège s'appellera fauteuil à bras reculés.
- Le cannage revenu, le tissu ne perd pas ses droits, mais un système de fixation mobile du rembourrage permet de changer la garniture au gré des saisons ou de l'humeur.
- Les types de sièges de la Régence demeurent sensiblement les mêmes que ceux de la fin du XVIIe siècle, tabourets, pliants, banquettes à huit pieds, canapés, coexistent avec des fauteuils, des chaises, des sièges de commodité et quelques chaises longues.
- On joue beaucoup dans les appartements du Régent, ainsi apparaît la voyeuse, siège dont le dossier aplati au sommet est muni d'un rembourrage où l'on peut s'accouder.
- Elle permet de se tenir debout derrière le joueur et d'observer son jeu.
- Enfin, la bergère sort des chambres et prend sa place dans les pièces de réception.
Louis XV, nouveaux usages, formes nouvelles
- Quelque peu hésitant, tout d'abord, ce nouveau style va s'affirmer sous Louis XV, d'abord avec élégance, ensuite avec exubérance.
- Les sièges deviennent enveloppants, épousant la forme du corps.
- Inspiré par l'anatomie mais aussi par la fantaisie, le goût exacerbé des courbes culminera dans le style rocaille.
- De nombreux types de sièges apparaissent sous Louis XV, le fauteuil à la reine, lorsque le dossier est droit, le fauteuil cabriolet, lorsqu’il est arrondi.
- La bergère, dérivée du fauteuil en confessionnal, du siècle précédant est plus basse que le fauteuil, avec des bras pleins et un gros coussin de plumes.
- Sa cousine la marquise est une bergère permettant à deux personnes de s'asseoir côte à côte.
- Autour des tables de jeu, à la voyeuse vient s'ajouter la voyelle, uniquement utilisée par les hommes qui, s'y asseyant à califourchon, appuient leurs bras sur un dossier bas et rembourré.
- Le dossier du fauteuil de toilette ou fauteuil à coiffer est assez bas pour dégager le cou.
- Le fauteuil à poudrer est échancré pour les mêmes raisons.
- Le fauteuil de bureau comporte une avancée arrondie, et ses pieds sont disposés en losange.
- Enfin, la chaise-longue se fait plus rare et se transforme en duchesse brisée, sorte de chaise-longue en deux parties, parfois même en trois.
- Entre la bergère et le canapé, la duchesse en bateau, très allongée, se termine par un chevet.
- Les canapés se diversifient à l'extrême, gondoles ou corbeilles au dos arrondi d'abord, ils affectent d'autres formes, ottomane lorsque les joues sont pleines, veilleuse lorsque les dossiers sont d'un inégal évasement.
- Le sopha compte sept pieds et la sultane, deux dossiers accolés.
- Equipée d'un dossier amovible, la sultane devient turquoise.
- C'est sur ce type de siège que David peindra Madame Récamier, quelques années plus tard.
Les meubles anciens, une valeur refuge
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