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- La 231 G
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Pour beaucoup de cheminots et d’amateurs du monde entier, l’unique 232 U 1 fut la plus belle locomotive à vapeur française.
Mais il est certain qu’elle en fut aussi le chant du cygne, comme d’ailleurs en témoigne la forme du bandeau blanc latéral qui, sur la locomotive, évoque cet oiseau.
Chef-d’oeuvre de l’ingénieur Marc de Caso, construite en 1949, à une époque où la vapeur était pourtant déjà irrémédiablement condamnée, cette machine annonçait la nouvelle génération des locomotives à vapeur modernes.Mais elle est née trop tard, à une époque où, définitivement, la traction vapeur était condamnée sur le réseau.
La 232-U-I telle qu’elle est préservée à la Cité du train de Mulhouse.
Caractéristiques techniques | |||||||||||||||||||||||||
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- L‘enjeu pour les ingénieurs de la fin des années 30 est de dépasser les Pacific.
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La célèbre disposition d’essieux type 231, donnant la locomotive Pacific, a atteint ses limites en matière de puissance parce que, sur six essieux, on ne peut loger qu’une chaudière fournissant au plus 2000 à 2 500 ch.
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Cette puissance ne suffit plus face à l’accroissement du poids des trains qui atteignent 800 ou 1 000 tonnes, et de l’accroissement des vitesses qui doivent se situer à 140 km/h, on envisage même le 200 km/h.
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Il faut plus de puissance, donc plus de vapeur, il faut sur dimensionner les foyers pour qu’ils produisent plus de gazn il faut donc allonger les châssis des locomotives pour loger des foyers et des chaudières plus grands, donc plus puissants, et il faut au moins un essieu de plus.
Une des soeurs de la 232-U-1, une série S, le carénage du tender d'aprés cette photo, a été réalisé à titre de prototype.
- Sur les locomotives de vitesse type 231, les foyers reposent sur le bissel arrière, c’est un unique essieu porteur situé sous la cabine de conduite, et qui supporte l’ensemble de l’arrière de la locomotive.
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Les lignes de chemin de fer ne peuvent supporter qu’un poids maximal par essieu et si l’on augmente ce poids, il faut augmenter le nombre des essieux pour le répartir, et passer de six à sept essieux.
D’autres réseaux francais et américains ont adopté, dès les années 20, le type 241 ou Mountain, par rapport au type 231, cette locomotive bénéficie d’un essieu moteur supplémentaire et conserve, donc, le bissel arrière à un seul essieu porteur.
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L’inconvénient de cette disposition d’essieux est la grande longueur de l’ensemble rigide formé par les quatre essieux moteurs, ce qui donne des difficultés d’inscription en courbe et un châssis soumis à des contraintes très fortes.
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C’est pourquoi le Nord songe au type 232 par doublement de l’essieu porteur arrière, on passe ainsi du type 231 au type 232, au lieu du type 241.
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On a bien sept essieux, mais disposés de manière à permettre une inscription en courbe aussi aisée qu’avec une Pacific.
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Les Américains ont déjà adopté, avec succès, cette disposition d’essieux qui prend le nom de Baltic.
Durant les dernières et difficiles années 30, la Compagnie du Nord essaie de retenir une clientèle de voyageurs en recul, et mise de nouveau sur sa traditionnelle politique d’accroissement de la vitesse de ses trains.
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Émile Javarny, directeur du réseau, et Jean Lancrenon, ingénieur en chef du matériel et de la traction, demandent à Marc de Caso, un ingénieur réputé de ce réseau, depuis peu passé à l’OCEM, d’étudier de nouvelles locomotives du type 232, c’est-à-dire des Pacific avec un foyer plus important supporté par un bogie au lieu d’un bissel.
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Rationnelle par tradition, la Compagnie du Nord non seulement étudie le matériel roulant, mais aussi prépare les installations fixes et aménage la ligne Paris-Creil pour une vitesse de 140 km/h.
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Ces locomotives sont prévues pour rouler à 160, 170 ou même 200 km/h entête de trains de 300 tonnes que le Nord fera circuler sur des lignes aménagées progressivement durant les années 40.
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Le type 232, très utilisé aux USA pour la traction de trains rapides, est totalement inexistant sur les réseaux français, alors que l’Allemagne fait circuler de superbes 232 carénées donnant une forte impression de vitesse et de puissance.
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À la création de la SNCF, les prototypes 232 ne sont pas encore livrés, et les sept premières machines ne sortent qu’en 1940 et 1941, les 232 R 1 à 3, et les 232 S 1 à 4.
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Ces deux sous-séries ont en commun la chaudière, les organes de roulement, ainsi que le mouvement, elles ne diffèrent que par leur moteur qui est à 3 cylindres simple expansion pour les R et à 4 cylindres compound pour les S.
Le grand auteur Lucien-Maurice Vilain photographié sur le marchepied de la 232-U-1.
- Naissant dans une période troublée, confrontées et comparées aux remarquables 231 et 240 de Chapelon, ces locomotives n’ont pas d’avenir en fait, Marc de Caso le sait bien et, sur la dernière des huit locomotives de la série, la 232 U, il apposera un bandeau décoratif en forme de cygne, marquant ainsi le «chant du cygne» de la vapeur en France avec cette ultime machine.
La 232-U dans un décor typiquement Nord.
- En dépit de performances intéressantes, ces 232 R et S ne dépassent guère un effort maximal de 2 500 kw soit 3600 ch, qui est celui des 240 de Chapelon.
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Axées aussi sur l’idée d’avenir, elles se trouvent ainsi sur le même créneau que celui de la traction électrique, mais, dans les esprits des ingénieurs de l’époque, l’avenir, c’est d’abord la traction électrique, et l’enjeu, le défi, est très difficile pour la traction à vapeur.
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Les sept locomotives construites sont intégrées dans le roulement classique des Pacific du réseau Nord, assurant les trains rapides de la ligne Paris-Lille principalement.
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L’électrification du réseau Nord mettra fin à leur très honorable carrière.
Initialement prévue avec un moteur à turbines Ljunstrom et transmission par engrenages, cette huitième locomotive est construite d’une manière classique avec moteur compound à cylindres haute et basse pression, et embiellage.
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Construite en 1949 par les établissements Corpet-Louvet à La Courneuve, elle reçoit la quasi-totalité des perfectionnements disponibles à l’époque, plus des roulements à aiguille ou à rouleaux sur l’ensemble du mécanisme.
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C’est ainsi qu’elle est dotée d’équipements très sophistiqués, comme un système de démarrage automatique dosant la vapeur dans les cylindres haute et basse pression, des boîtes à huile et coins de rattrapage automatique de jeux sur les bielles, etc.
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Capable de fournir 2000 kw soit 2800 ch en tête de trains rapides de plus de 560 tonnes à 120 km/h, cette machine connaît une utilisation suivie sur la relation Paris-Lille.
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Ses résultats sont qualifiés de bons, mais finalement, ils restent en deçà de ce que les locomotives électriques CC 7100 contemporaines offrent couramment, avec des puissances de plus de 3400 kw soit plus de 4500 ch et des vitesses de 150 km/h.
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Les jours de la traction vapeur sont comptés, et les grandes électrifications du réseau français sont déjà programmées, en 1961, la 232 U 1 sera discrètement retirée du service avec les autres 232, mais elle sera conservée pour le Musée français du Chemin de fer de Mulhouse, où elle peut être admirée actuellement dans ce qui est devenu La Cité du train.
Peu perceptibles pour le grand public et les amateurs de chemins de fer, les raisons de l’abandon de la vapeur sont d’abord d’ordre économique.
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Considérons, d’une part, le prix de l’électricité, qui n’a cessé de baisser, et d’autre part, le prix de la main-d’oeuvre, qui n’a cessé d’augmenter en raison d’une évolution sociale déjà amorcée depuis le lendemain de la Grande Guerre, et on comprendra à quel point la locomotive électrique, consommant de l’énergie nucléaire, conduite par un seul agent, économique en maintenance, ne pouvait que supplanter la vapeur partout où des besoins en transports intenses existaient.
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Assurant déjà 13,5 % des trains de la SNCF en 1938, la traction électrique en assure en 1958 plus de 70 %.
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Bien sûr, les ingénieurs du temps de la vapeur ne pouvaient prévoir l’essor de l’énergie nucléaire en France, la cherté croissante de la main-d’oeuvre, la perte de compétitivité du charbon comme source d’énergie traction, ou encore les chocs pétroliers, facteurs qui ont, tour à tour ou ensemble, apporté des atouts à la traction électrique.
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De grands ingénieurs comme André Chapelon ou Marc de Caso voyaient en la locomotive àvapeur leur seule raison d’être, et ils la cultivaient avec génie comme un champ de connaissances scientifiques et de perfectionnements techniques, voulant la faire passer dans une nouvelle ère, celle de la locomotive à vapeur scientifique surclassant définitivement celles du passé, nées dans le pragmatisme.
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Mais pour la SNCF et on ne saurait lui en faire grief, le seul élément qui comptait était le coût de ce qui était en tête du train, et le coût et la qualité des services rendus.
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Le chemin de fer, comme toutes les activités de transport, est une activité économique, seul le bilan comptable a de l’importance.
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Le grand mouvement historique entraînant la fin de la locomotive à vapeur se jouait en dehors du chemin de fer, en termes de coût sur le plan national, de choix énergétiques nationaux, et de concurrence entre moyens de transport.
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Toutes ces grandes données venaient frapper le chemin de fer dans son ensemble par l’extérieur, et condamner la locomotive à vapeur.
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Coûtant pourtant, à la construction, deux fois moins cher qu’une locomotive diesel, la locomotive à vapeur offrait des performances très acceptables, et une incomparable robustesse.
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Une locomotive électrique ou une locomotive diesel pouvait ainsi faire le travail de deux ou même trois locomotives à vapeur, roulant pratiquement sans arrêt, conduite par des hommes qui se relayaient à son pupitre.
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La locomotive à vapeur, après deux à trois heures de trajet, demandait une période de six à huit heures d’immobilisation au dépôt pour son nettoyage, son réapprovisionnement, le redémarrage du feu et la montée en pression de la chaudière.
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On comprend que le prix du charbon et de la main-d’oeuvre aient été fatals à la plus belle des locomotives, en face d’autres qui consomment des énergies meilleur marché et demandent infiniment moins d’heures de travail en entretien.
Avec la 232 U 1, on comprend difficilement les raisons amenant la SNCF à mettre au point des prototypes ou à faire des reconstructions intégrales en vue de locomotives futures dans une période qui sait que la vapeur est condamnée.
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Mais la construction de ces machines n’est pas onéreuse si on la compare, par exemple, au financement débloqué pour la Construction des 550 locomotives neuves dont la SNCF a besoin à l’époque, ou à celui envisagé pour l’élimination des 8000 locomotives vétustes du parc.
Le mouvement de la 232-U-I. Noter les boîtes à rouleaux.
- Les coûts engagés en recherche et construction de prototypes sont minimes en proportion, et les dirigeants de la SNCF de l’époque pensent que les essais de grands ingénieurs comme Chapelon ou De Caso pourraient, peut-être, déboucher sur une locomotive nouvelle qui résoudrait le problème de la traction sur les lignes à trafic en dessous du seuil de rentabilité de l’électrification, une locomotive nouvelle que la traction diesel d’alors ne semblait pouvoir être capable de faire naître.
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Mais il y avait aussi la personnalité de Chapelon ou de De Caso, pour ces hommes reconnus et respectés, il ne pouvait être question de mettre fin avec brusquerie à leurs activités et de fermer leur bureau ou leur service de recherche avec des arguments purement économiques, comme on le ferait aujourd’hui.
Dès 1933 la Compagnie du Nord se préoccupe de dépasser les vitesses alors limites de 120 à 125 km/h fixées par les pouvoirs publics dans le but de diminuer les incidents et les frais de maintenance des locomotives qui, donc, roulent en dessous de leurs possibilités théoriques.
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La compagnie désire augmenter les vitesses de ses trains rapides, notamment entre Paris et Lille où une clientèle d’hommes d’affaires pressés pour qui un gain de seulement quelques minutes est déjà significatif sur un trajet qui est de l’ordre de deux heures.
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Sous la direction de l’ingénieur Marc De Caso, une étude est alors confiée à l’OCEM, ou office central d’études du matériel, un organisme commun à plusieurs réseaux français et qui est chargé d’étudier le matériel roulant.
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Le type 232 est prévu, doté d’un appareil producteur de vapeur équivalent à celui d’une 241, avec, notamment, une grille de foyer atteignant la surface de 5,175 m², ce qui est considérable pour l’époque.
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La Seconde Guerre mondiale retarde la construction de cette série de belles locomotives qui ne quittent l’usine de la Société alsacienne de constructions mécaniques (future Alstom) qu’en 1940 et 1941.
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Ces sept locomotives se répartissent en deux sous-séries, les 232 R ayant trois cylindres à simple expansion, et les 232 S ayant quatre cylindres compound.
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Les cylindres sont placés entre les roues du bogie avant, et leur distribution est effectuée par soupapes à cames rotatives.
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Le bissel arrière est à deux essieux et, contrairement au cas du bogie, n’a pas de rotation mais seulement un déplacement latéral.
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Essayées sur diverses grandes lignes de la SNCF, notamment sur le Sud-Est, ces locomotives se montrent aptes à remorquer un train de plus de 700 tonnes à, près de 120 km/h, développant ainsi plus de 3 000 ch.
La 8 ème et dernière locomotive de la série ne sera pas construite du fait de la guerre, ce sera la 232-U-1, produite une fois la paix revenue, et avec des modifications par rapport à ses soeurs aînées.
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Cette série de 8 locomotives arrive, en fait, trop tard sur la scène ferroviaire, les dés étaient déjà jetés en faveur de la traction électrique, surtout sur la région Nord.
Images de la locomotive carénée 232-U-1 |
A la conquête de la vitesse, les locomotives- La 231 G |
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