Les anciens trains de légende de 1900 à 1950
Les locomotives, bonne à tout faire
La locomotive 141 R, Miss liberty
Construite par des firmes américaines et canadiennes pour les chemins de fer français dans le cadre du plan Marshall au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, la 141 R est une des locomotives les plus célèbres en France pour deux raisons,
- d’une part, elle est la plus importante série jamais mise en service dans ce pays avec 1 323 locomotives,
- et d’autre part, elle assure la plus grande partie du trafic ferroviaire français lors des dures années qui suivent la Libération.
Elle a sauvé le chemin de fer français au lendemain de la guerre, permis le redémarrage de l’économie, et a assuré, jusqu’à la fin de l’ère de la vapeur, la traction de toutes sortes de trains, voyageurs et marchandises.
Une 141 R état d’origine avec roues à rayons sur tous les essieux.
Caractéristiques techniques |
- Type, 141 |
- Date de construction, 1945 |
- Moteur, deux cylindres simple expansion |
- Cylindres, 597 x 7ll mm |
- Surface de la grille, 5,16 m² |
- Surface de chauffe, 250,74 m² |
- Surface de surchauffe, 65,40 m² |
- Diamètre de la chaudière , 1,98 m |
- Pression de la chaudière, 15,5 kg/cm² |
- Diamètre des roues motrices, 1,65 m |
- Diamètre des roues porteuses avant, 0,91 m |
|
- Diamètre des roues porteuses arrière, 1,06 m |
- Puissance au crochet, 2928 ch à 80 km/h |
- Poids, 116 t |
- Longueur, 14,64 m |
- Contenance du tender en charbon, 11,5 t |
- Contenance du tender en eau, 30m² |
- Masse en charge, 72 t |
- Longueur, 9,49 m |
- Masse totale, 188 t |
- Longueur totale, 24,13 m |
- Vitesse maximale en service, 105 km/h |
|
N° série locomotive |
Combustible |
Châssis |
1 à 700 |
Charbon |
|
701 à 1200 |
Fuel |
|
701 à 1100 |
|
Barres |
1101 à 1200 |
|
Monobloc |
1241 à 1340 |
|
Monobloc |
1201 à 1240 |
|
Barres |
1236 à 1240 |
Fuel |
|
1242 à 1340 |
Fuel |
|
1201 à 1219 |
Charbon |
Barres |
N° série locomotive |
Bissel - Roues |
Constructeur |
1 à 700 |
|
|
701 à 1200 |
|
|
701 à 1100 |
Cole Boxpox en 3ème |
|
1101 à 1200 |
Delta Boxpox partout |
|
1241 à 1340 |
Delta Boxpox partout |
|
1201 à 1240 |
Cole Boxpox en 3ème |
|
1236 à 1240 |
|
|
1242 à 1340 |
|
|
1201 à 1219 |
Cole |
|
|
|
|
1 à 180 |
|
Lima |
181 à 440 |
|
Alco |
441 à 700 |
|
Baldwoin |
701 à 860 |
|
Baldwoin |
961 à 1020 |
|
Alco |
1021 à 1100 |
|
Lima |
1101 à 1120 |
|
Lima |
1121 à 1160 |
|
Alco |
1161 à 1200 |
|
Baldwoin |
1201 à 1240 |
|
Montréal |
1270 à 1300 |
|
Montréal |
1301 à 1340 |
|
Canadian |
- Cest une locomotive dite mixte, ni rapide ni lente, d’une puissance moyenne, de performances moyennes, mais apte à tout faire.
-
Elle est à disposition d’essieux type 141 avec un essieu porteur avant, quatre essieux moteurs et un essieu porteur arrière.
-
Et on la verra absolument tout faire sur le réseau français, trains de marchandises, manoeuvres, trains de travaux, trains de voyageurs omnibus ou même express.
-
Limitée à 105 km/h, capable de parcourir toutes les lignes, elle est la locomotive universelle par excellence dont la SNCF a besoin immédiatement une fois la paix revenue.
Celles qui ont coulé
Si la France commande bien 1340 locomotives à l’industrie américaine, elle n’en a reçut effectivement que 1323.
-
Le nombre de 17 locomotives manquantes s’explique par le fait que ces locomotives sont toujours au tond de la mer.
-
En effet, le navire Belpalmela, un Liberty Ship qui les livrait, fait nautrage le 13 Avril 1947.
-
Les locomotives 1220 à 1237 n’ont jamais roulé et aujourd’hui toujours servent de retuge pour les poissons de l’Atlantique.
-
Les amateurs de locomotives rêvent toujours d’aller les récupérer.
La 141 R simple, robuste, et banalisable
C’est donc une locomotive robuste, très simple mécaniquement, issue d’un modèle américain mis au point pour la guerre de 1914-18, peu évoluée techniquement par rapport aux locomotives compound très perfectionnées dont la France fait traditionnellement grand usage.
-
Cette robustesse fait d’elle la première locomotive francaise à être conduite en banalité, c’est-à-dire avec des équipes qui se relayent.
-
C’est la fin de l’époque des équipes titulaires, fidèles à la même locomotive dont ils sont responsables.
-
Le confort d’une vaste cabine bien fermée, où l’on conduit assis, joint à la facilité de conduite fait que ces locomotives sont vite adoptées par les cheminots.
L’avant bien américain est francisé par la porte de boîte à fumée.
- Elles atteignent des parcours journaliers record, par rapport à une moyenne nationale de 75 km/jour pour les locomotives classiques de la SNCF, les R assurent une moyenne de 200 km/jour dès leur mise en service, et atteignent 500 ou même exceptionnellement 800 km/jour en 1949 sur la région Ouest.
-
Durant les années 50, les 141 R effectuent 44,8 % du tonnage total de la SNCF à elles seules, presque la moitié du trafic ferroviaire français!
-
Les R sont capables de fournir 2.150 kW soit 2.920 ch à 80 km/h, pouvant remorquer ainsi des trains pesant jusqu’à 1 000 tonnes à 95 km/h sur des lignes faciles ou des trains de 800 à 900 tonnes en rampe de 9 pour 1 000 à plus de 80 km/h.
-
Mais surtout les 141 R pouvaient avoir une moyenne de moins de 16 heures de bricole, petites réparations aux 1 000 km, c’est-à-dire moins que les locomotives à vapeur de puissance équivalente, ou que les machines électriques ou diesel les plus sûres.
-
Et, des trains de minerai en double traction aux trains express ou même rapides du service voyageurs, on a vu les R absolument partout, du Nord à la Côte d’Azur.
-
Elles termineront l'ère de la traction vapeur, étant retirées du service durant les années 70.
L’embiellage puissant et massif, à l’américaine, caractérise les 141 R.
- L’arrivée de la 141 R est l’aboutissement d’une grande réflexion en matière de politiques de traction pour la SNCF des dernières années 40.
-
Il ressort que la grande tradition française de locomotives perfectionnées, poussées, conduites en finesse par des équipes titulaires et hautement qualifiées, était, tout compte fait, une politique chère et une grave erreur financière.
-
Avec la 141 R, une autre politique s’est mise en place par la force des choses, avec des machines simples à moteur à simple expansion, un graissage automatique, des rattrapages de jeu automatiques.
La 141 R une rupture dans la doctrine de la traction vapeur de la SNCF ?
La SNCF est forcée, comme l’ensemble des réseaux européens, à découvrir que le charbon, malgré son prix élevé, coûte moins cher que la main-d’oeuvre, et qu’il vaut mieux lutter sur le front des économies de maintenance et de conduite que sur celui du charbon seul, en attendant de résoudre le problème du charbon par sa pure et simple suppression.
-
La conversion d’une moitié des 141 R à la chauffe au fuel sera une solution, en attendant surtout la reprise des grandes électrifications ou l’arrivée de la traction diesel.
Les raisons profondes du choix de la 141 R
La commande des 141 R est faite auprès de l’industrie américaine et canadienne, car il s’agissait de faire appel à la seule industrie au monde capable, à la fin de la guerre, de fournir en un temps record 1 340 locomotives à la France.
Une 141 R de l’Ouest avec les roues Boxpok.
- Ce n’est pas pour autant que ces grandes firmes peuvent étudier, en un temps record, un prototype.
-
Elles font avec les moyens du bord, à la demande d’une locomotive mixte de type 141 formulée par la France, il n’était possible de répondre qu’avec un type ancien USRA dont le poids par essieu et les dimensions générales fussent acceptables par le réseau français.
La 141 R 420, une des premières R restaurées.
- En 1946, déjà 700 R sont en service, et en 1947 la totalité des 1 235 R est active et démontre que des machines plus simples, moins économes en charbon parce que moins perfectionnées, peuvent être plus rentables par une maintenance économique et la banalisation.
Ambiance hard et rude à bord d’une cabine de conduite d’une R,
et pourtant les cabines passent pour être très confortables !
- Comme la France manque de charbon au lendemain de la guerre, le gouvernement décide de transformer massivement les 141 R pour la chauffe au mazout, dans la mesure où le pétrole abonde et à bas prix.
-
Les machines 701 à 1200, et 1236 à 1340, soit 603 locomotives sont transformées.
-
Surnommées goudronneuses par les équipes, ces machines sont d’une conduite facile et elles réalisent d’importantes économies de charbon.
Train touristique remorque par une 141 R preservee.
- C’est aussi une raison de plus pour expliquer leur succès, beaucoup d’entre elles sont utilisées sur la Côte d’Azur où l’on espère que les dégâts faits sur l’environnement, les façades des belles villas ou le bronzage des premiers vacanciers sur les plages, seront moindres qu’avec des locomotives à charbon.
Le bissel arrière type Delta équipant certaines 141-R, les autres ont
un bissel
Cole en métal moulé, très typique des techniques américaines.
Un réseau détruit par la guerre
Les destructions de la guerre n’ont pas épargné le réseau de la SNCF.
-
D’intenses bombardements alliés et les actions de la Résistance sont venus s’ajouter aux destructions allemandes.
-À la fin de la guerre, environ 32 000 km de lignes sur les 40 000 du réseau sont inexploitables, 115 gares sur 300 sont détruites, ou 74 grands dépôts sur 130.
-
Mais surtout on compte à peine 3 000 locomotives disponibles contre 17 000 avant la guerre.
-
La SNCF n’est pas découragée pour autant et les cheminots, dont la conduite a été exemplaire pendant la guerre, reconstruisent le réseau immédiatement derrière le front allié et, en général, il suffit de quelques jours pour voir circuler les premiers trains après le passage des troupes.
-
Le premier train Cherbourg-Paris arrive en gare de Saint-Lazare le 28 août 1944, soit 3 jours après l’arrivée des troupes françaises et alliées dans la capitale.
L’arrivée des 141 R sur le sol français provoque l’intérêt et l'espoir.
- Pendant la guerre, vu le manque de carburant et de pneus, le chemin de fer a été le seul transporteur à l’échelle nationale, et l’on a même remis en service des petites lignes rurales trop hâtivement sacrifiées sur l’autel du tout automobile dès les années 30.
-
Mais une fois la paix revenue, les automobiles reparaissent par millions, les autobus et les camions reprennent leur offensive contre le rail et les services rendus par le chemin de fer sont rapidement oubliés.
-
Les fermetures de lignes recommencent, et l’on oublie les petits tortillards de la France profonde qui croulaient, pendant la guerre, sous le poids des voyageurs et des marchandises.
Sur le réseau Nord, à la fin des années 1950, les derniers grands trains rapides, pour les 141R.
Images de la locomotive, 141 R
Avant bien américain de la 141 R.
L’embiellage puissant, à l’américaine, caractérise les 141 R.
Une 141 R de l’Ouest avec les roues Boxpok.
La 141 R 420, une des premières R restaurées.
|
Une 141 R état d’origine avec roues à rayons sur tous les essieux.
La-141-R.jpg
La-141-R-2.jpg
|
Cabine de conduite d’une 141 R.
Le bissel arrière type Delta équipant certaines 141-R. Les autres ont un bissel Cole en métal moulé, typique des techniques américaines.
L’arrivée des 141 R sur le sol français provoque l’intérêt et l'espoir.
Sur le réseau Nord, fin des années 1950, trains rapides, pour les 141R.
|
Train touristique avec une 141 R preservee.
La-141-R-3.jpg
La-141-R-4.jpg
La-141-R-5.jpg
|
Les locomotives, bonne à tout faire
|
|